Thomas Sankara


Reportage photographique :
"Sankara et moi"

 


Thomas Sankara est né le 21 décembre à Yako, en Haute-Volta. Il est mort assassiné le 15 octobre 1987 à Ouagadougou. C'était un homme d’État anti-impérialiste, panafricaniste et tiers-mondiste, président du Burkina Faso de 1983 à 1987. Il a incarné et dirigé la première révolution burkinabè du 4 août 1983 jusqu'à son assassinat le 15 octobre 1987 lors du coup d'état qui a amené au pouvoir Blaise Compaoré, son ami d'enfance. Il a notamment fait changer le nom de la Haute-Volta, issu de la colonisation, en nom issu de la tradition africaine : "Burkina Faso", qui est un mélange de moré et de dioula qui signifie "Pays des homme intègres". Il a conduit une politique d'affranchissement du peuple burkinabè. Son gouvernement a entrepris des réformes majeures pour combattre la corruption et améliorer l'éducation, l'agriculture et le statut de la femme...
   


Je me suis rendu pour la sixième fois au Burkina Faso en novembre 2016. Ma volonté n'était pas de récolter les témoignages d'individus ayant connu personnellement Thomas Sankara, ni de recenser des faits politiques ou historiques déjà sus de tous. Je voulais simplement comprendre pourquoi, de nos jours, la jeunesse burkinabè se revendique autant de Thomas Sankara, un président qu'elle n'a pourtant jamais rencontré.

Pour ce faire, je n'ai posé qu'une seule et unique question aux participants : «Pour toi, que représente aujourd'hui Thomas Sankara ? », laissant ainsi la plus grande liberté de parole à ceux qui voulaient bien se prêter au jeu de l'interview.

En dix jours de travail, armé de mon carnet Moleskine et de mon appareil photographique, j'ai ainsi pu récolter trente-cinq témoignages. Cela peut sembler bien maigre si on compare ce chiffre aux 19 512 533 personnes habitant au Burkina Faso... Cependant, ces derniers reflètent bien l'état d'esprit dans lequel est actuellement plongée la population burkinabè.

« Pourquoi fais-tu ça ? » m'a lancé un des participants auquel je n'ai pas su répondre. Avec un peu de recul, je pense que ce travail était le moyen pour moi de faire de nouvelles rencontres et surtout d'accorder la parole à ceux que l'on n'entend jamais...

Témoignages et photos (© Copyright Arnaud Rodamel, tous droits réservés) seront ainsi présentés régulièrement ci-dessous à partir du 15 octobre 2017 jusqu'à la fin du mois de janvier 2018. Le résultat de ce travail sera également exposé en mars 2018 au Burkina Faso, dans l'atelier de mon ami Idrissa, sans qui ce projet n'aurait jamais vu le jour.

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"Sankara et moi", par Irène Yameogo



La jeunesse actuelle devrait arrêter avec ces histoires concernant Thomas Sankara. Ça devient pénible à force. Mais comme il était jeune et qu'il a fait beaucoup pour son pays, il est encore souvent pris comme exemple. J'ai appris son histoire et pris connaissance de ses idées et de sa façon de faire par l'intermédiaire de mes parents, des livres ou encore des vidéos. Mais jamais son parcours ne m'a impressionnée. Dans ma famille, il y a des Congolais qui ont eu une vie plus facile que les Burkinabè de son époque alors que rien ne leur avait été imposé. En fait, Sankara ne m'inspire pas. Je pense même que s'il avait pu durer on aurait fini par ne plus le supporter du tout. Ce qu'il a voulu imposer, c'était trop pour la population. Pourquoi ne pas produire et vendre au-delà de nos frontières ? Pourquoi interdire l'importation ? C'était quoi le message qu'on l'on donnait aux pays du monde entier ? Qu'on ne voulait pas d'eux ? Franchement... Bien sûr, les gens mangeaient à leur faim sous sa gouvernance, mais ils mangeaient seulement ce que le pays pouvait produire. Pourquoi se priver de ce qui venait de l'extérieur ? Le vendredi, il fallait que tout le monde porte le « faso dan fani », la tenue traditionnelle. Mais les gens n'en avaient rien à faire. La plupart ne la portaient pas ou alors ils se changeaient au dernier moment s'ils suspectaient un contrôle. Les jeunes d'aujourd'hui le trouvent bien. Ils revendiquent ses idées, répètent ses propos alors que son idéologie n'est pas actuelle. De plus, si un président comme lui était en place, ils ne le supporteraient pas et le renverseraient aussitôt. Au grin de thé, on parle souvent de lui. Je prends alors la parole et je dis qu'il se la jouait rebelle mais qu'au fond ses idées étaient bidon. Mes amis ne me comprennent pas. Ce n'est pas grave car je m'en fiche. Pour moi, sa gouvernance, c'était une forme d'esclavagisme. On parle de justice, mais il n'y a pas de justice dans notre monde. Si l'on regarde bien, la condition de la femme est loin d'être bonne, ici ou ailleurs. Moi, je suis une femme et j'ai toujours tenu à travailler. Pourtant, ce n'est pas évident pour moi. Je trouve que le débat concernant Sankara est fatigant. Il faut que nous passions à autre chose maintenant. Tournons la page Sankara. Soyons réalistes, laissons-le là où il est et avançons.
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"Sankara et moi", par Nawinibé Some
Je n'ai pas connu Thomas Sankara de son vivant. Tout ce que je sais de lui vient du bouche-à-oreille, de la télévision ou encore de la radio. Je connais d'ailleurs par cœur certains de ses discours. Dans sa politique, tout le monde devait se montrer responsable pour le bien de tous. Je sais que les anciens ne l'ont pas trop aimé à cause d'une requête particulière et je les comprends tout à fait. En effet, Sankara avait demandé aux propriétaires de parcelles d'en restituer certaines aux familles démunies. Mais, à part ça, je reste assez satisfait de ce qu'il a mis en place pour son pays. Sa force, c'était son courage. Sa persévérance aussi. Il voulait changer l'Afrique tout entière et il a eu l'intelligence de mettre auparavant de l'ordre dans son propre pays sans quoi il serait passé pour un simple donneur de leçons. Il a voulu faire de ses concitoyens des gens intègres et solidaires. Quand il se rendait à des sommets politiques à l'étranger, il parlait de l'Afrique en règle générale et montrait le Burkina en exemple. Hélas, depuis son assassinat, l'individualisme a gagné les mentalités. Sous sa présidence il n'y avait aucun favoritisme, ce qui n'était pas le cas avant son arrivée au pouvoir. Le chef des Mossis ne payait par exemple ni sa consommation d'eau ni son électricité car les anciens présidents lui avaient accordé certaines faveurs. Sankara a alors coupé ses compteurs lui signifiant ainsi qu'il devait s'acquitter de ses factures et qu'il devait se conformer à la réglementation comme tout autre citoyen. Il s'est ainsi mis à dos une partie de la population alors qu'il voulait simplement l'égalité entre tous. Il se savait en danger par rapport à Blaise Compaoré, son ami de toujours. Il aurait pu le tuer mais, à l'intérêt de son peuple, il a préféré sauvegarder son amitié d'enfance. Entre eux, il y a toujours eu un rapport particulier. Blaise avait les idées. Sankara, lui, avait le charisme. Pour moi, Blaise, c'était l'homme de l'ombre. Cette idée revient souvent dans les discussions, mais je n'interviens pas. Tous les jeunes d'aujourd'hui affirment qu'ils auraient voulu vivre sous sa présidence. Ils pensent que leur vie aurait été meilleure. Ils critiquent même certains de leurs aînés qui n'ont pas cru en Sankara ou qui n’ont pas voulu se sacrifier pour l'avenir de leurs enfants. Pourtant, ces mêmes jeunes ne seraient pas prêts à faire tous ces efforts pour avoir des lendemains meilleurs. Ils entretiennent la nostalgie d'une époque qu'ils n'ont pas vécue. Un nouveau président arriverait de nos jours avec les idées de Sankara, il serait aussitôt chassé. En effet, je ne vois pas comment les jeunes accepteraient désormais de consommer uniquement burkinabè. Ils feraient quoi sans portable, sans moto, sans ordinateur ? Ils semblent vite oublier que tout ceci est fabriqué en Asie... Que l'on aime ou pas la politique de Sankara, on garde tous de lui l'image d'un homme qui a donné sa vie pour la nation. Personnellement, je pense qu'en matière d'éducation, il aurait pu faire quelque chose de grand s'il était resté au pouvoir.
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"Sankara et moi", par Mahamoudou Barry

Thomas Sankara représente tellement de choses différentes qu'il est difficile pour nous tous de se mettre d'accord à son sujet. C'était un homme honnête et intègre qui a pourtant profité d'un coup d'État pour accéder au pouvoir. Cet amoureux de l'Afrique a entrepris de très belles choses pour son pays. Il a notamment mis en valeur le statut de la femme. Grâce à lui, la femme est devenue l'égale de l'homme. Il lui a ouvert les portes de l'armée, de l'administration ou encore même de ses ministères. Même si ses idées plaisent au plus grand nombre d'entre nous, certains lui reprochent une façon de faire parfois autoritaire. Moi, ce que je retiens surtout, c'est qu'il a apporté de la lumière au peuple car il lui a ouvert l'esprit. Sa venue a éclairé tout le monde et sous sa présidence les individus osaient entreprendre, monter des projets, avoir des idées. Avec lui, tout devenait possible et rien ne pouvait t'arrêter si tu étais motivé. J'ai également beaucoup apprécié le rapport qu'il avait établi entre le peuple et les fonctionnaires. Comme les agents étaient réellement au service de la population, tout le monde respectait l'administration, ce qui n'est plus vraiment le cas aujourd'hui. Ce président savait également mettre de côté son statut d'homme d’État lorsqu'il s'adressait à l'un d'entre nous. On pouvait alors parler avec lui, d'égal à égal. Comme il voulait entendre les aspirations du peuple, il se rendait régulièrement sur les marchés de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso. Il se déplaçait également en brousse. Depuis sa mort, tout a changé au Burkina. Les mentalités des hommes au pouvoir ne sont plus les mêmes. Désormais, il y a un fossé entre eux et nous. La preuve, les chefs d'État qui lui ont succédé n'ont jamais mis les pieds dans les villages reculés.
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"Sankara et moi", par Issuf Guira

Actuellement, on est dans le pétrin à cause de Thomas Sankara. C'était pourtant un président révolutionnaire qui voulait le bien de tous, au Burkina comme dans le reste du monde. Je ne vais pas reprendre tout ce qu'il a fait de bon pour les Africains car tout le monde ici connaît son parcours et ses idées. Mais, contrairement à ce que beaucoup pensent, je dis haut et fort que son erreur c'est d'avoir fait, seul, le combat contre la nation. Or, pour faire la révolution, il faut avoir une force, une équipe, un clan. De plus, il a obligé les anciens à faire des choses sans tenir compte de leur mécontentement, ce qui lui a créé des ennuis. De nos jours, certains l'admirent pour son courage, parce qu'il circulait notamment sans garde du corps dans la foule alors qu'il savait qu'on allait le tuer. Moi, je pense que s'il avait vraiment aimé son peuple, s'il avait voulu réellement l'aider, il aurait dû commencer par se camoufler et se protéger lui-même. Il était notre père à tous et, désormais, nous sommes tous orphelins. C'est donc lui la cause de nos problèmes actuels, personne d'autre. Je reconnais tout de même qu'il a fait beaucoup de choses positives pour son pays. Il a notamment redressé l'économie et, toujours grâce à lui, on a été en auto-suffisance alimentaire ce qui est plus qu'une prouesse, surtout en si peu de temps. Cependant, je n'ai pas aimé sa façon de faire en dehors de nos frontières. Son arrogance lui a d'ailleurs joué des tours. On dit souvent que la prison vient toujours de l'extérieur. Lui, il n'a pas su éliminer l'obstacle pour nous construire un avenir meilleur et ça, pour moi, c'est une marque de faiblesse.
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"Sankara et moi", par Abdul Sanogo
 
Je n'ai jamais eu l'occasion de croiser Thomas Sankara et pourtant je connais bien son discours. C'était un homme honnête. Si l'on compare le Burkina Faso sous sa gouvernance et le Burkina Faso actuel, on constate vite que cela n'a rien à voir. Sankara est mort sans richesse personnelle alors qu'actuellement la corruption est présente à tous les niveaux. Cet ancien président a fait beaucoup de choses pour son pays et pour son peuple. J'apprécie notamment le fait qu'il ait lutté contre la déforestation. Pour cela il a non seulement demandé à la population de ne pas couper abusivement les végétaux mais, surtout, il l'a incitée à planter de grandes quantités d'arbres. De ce fait, il a résolu le problème de l'avancée du désert dans le Nord du pays. Surtout, je reste impressionné par l'opération « vaccination commando » qui a permis de protéger en une seule semaine tous les enfants du pays de cinq maladies infantiles parfois mortelles. C'était tout simplement du jamais vu en Afrique ! Avec lui, tout allait vite et tout a changé presque du jour au lendemain. Il voulait que le peuple écrive sa propre histoire. C'est pourquoi il a changé le nom du pays, son hymne ou encore son drapeau. Le problème, c'est qu'il n'a pas été compris de son vivant. C'était un visionnaire et il a fait une erreur de jeunesse en bousculant les anciens. Chez nous on dit « si tu t'attaques aux vieux, tu n'auras pas longue vie ». Il aurait dû alors aller moins vite et les respecter un peu plus. J'ai en tête le discours sur la dette qu'il a prononcé à Addis Abbeba en juillet 1987. Ce jour-là, il a clairement tourné le dos à l'Occident, aux anciens pays colonisateurs de l'Afrique. Il voulait une Afrique unie et solidaire et, hélas, trois mois après ce discours, il a été assassiné. Sankara était vraiment proche du peuple. Un président comme ça, on n'en reverra jamais car il y a trop de magouilles et de corruption désormais. Maintenant, même avec de l'argent, si tu n'as pas l'aide des politiques, tu ne peux rien faire. Ce qui est triste, c'est que les générations qui vont arriver vont l'oublier petit à petit. Moi, j'ai une fille de sept ans qui s'intéresse un peu à la politique. Je lui en parle de temps en temps pour qu'elle sache qu'un autre monde pourrait être possible. Ce que je retiens de lui, c'est qu'il était juste mais incompris. Et, surtout, le fait qu'il ait été assassiné par Blaise, son ami d'enfance, nous a marqué à jamais. En effet, pour nous, cet acte est inconcevable.
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"Sankara et moi", par Ibrahim Traore



Thomas Sankara, c'est une référence de la vérité et de l'union. Sous sa présidence, aucune hiérarchie n'était admise entre les êtres. Hommes, femmes, jeunes, anciens, tout le monde était considéré de la même façon dans un souci d'égalité et de respect mutuel. Ce président a fait beaucoup pour l'agriculture. Il l'a tellement développée, qu'en moins de trois ans, le pays est devenu, d'un point de vue alimentaire, autosuffisant. Chacun d'entre nous mangeait enfin à sa faim de la nourriture produite sur nos terres par nos paysans. En tant qu'artiste, je suis également très sensible à ce qu'il a fait pour la culture. Mon père m'a toujours dit que Sankara avait donné ses lettres de noblesse à l'artisanat en créant le Salon International de l'Artisanat de Ouagadougou ou encore la Semaine Nationale de la Culture. Sa volonté, c'était de libérer le génie créateur des artistes et de faire en sorte que rien ne nous paraisse impossible. J'apprécie aussi ce qu'il a fait pour l'éducation. Il estimait en effet que, pour que le Burkina puisse se développer, il fallait d'abord que ses habitants sachent lire et écrire. Comme il mettait systématiquement sa parole en application, il a instauré la construction de nombreuses écoles afin de lutter contre l'analphabétisme. Il était proche du peuple, courageux, et il n'hésitait pas à entrer dans la masse, sans aucune protection ni garde du corps. Sa façon d'être, c'était de brusquer les gens, d'aller vite et de ne pas faire de compromis tout en montrant l'exemple. Quand il se rendait dans les champs, il travaillait comme un paysan. Celui qui ne le connaissait pas était alors loin d'imaginer qu'il se trouvait face au président. Sankara était un homme de terrain très dynamique. Surtout, c'était un partisan de la vérité qui ne cachait pas les choses même si ce qu'il avait à dire ne faisait pas plaisir. Je pense que le Burkina pourrait revivre une révolution notamment parce que la condition des artistes et des artisans s'est beaucoup dégradée par manque d'activité touristique. Combien de temps va-t-on encore supporter le fait de ne plus pouvoir vivre de notre art ? Il faudra bien que les choses bougent un jour ou l'autre. Sans la présidence de Sankara, je ne peux pas deviner où l'on serait actuellement. Ce qui est certain c'est que les Burkinabè seraient moins ouverts et moins tolérants. Trente ans après sa mort, on ne peut que reconnaître que ses idées sont encore dans nos esprits. Certaines ne sont plus applicables de nos jours, notamment celle qui nous incitait à consommer uniquement burkinabè. Pourtant, j'aimerais bien retrouver un président qui défende son programme.
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"Sankara et moi", par Sayouba Rabo

 

Thomas Sankara c'est, pour moi, un exemple de dignité. Il a mené un combat, non seulement pour le Burkina Faso, mais également pour l'Afrique tout entière. Il ne voulait de mal à aucun peuple. Bien au contraire, il rêvait d'une émancipation générale. Même si son idéologie est parfois difficile à définir, on ne peut pas nier qu'il a inculqué une conscience à tous les burkinabè. Il voulait que chacun d'entre nous soit l'égal de l'autre. C'est pourquoi, refusant toute hiérarchie entre les individus, il appelait tout le monde « camarade ». Un agriculteur, un professeur ou encore un ministre, pour lui, c'était la même chose car il accordait plus d'importance à l'individu qu'au statut social. En ce sens, il a beaucoup œuvré pour les femmes et fait en sorte que celles-ci ne soient plus considérées comme des sous-hommes. D'ailleurs bon nombre d'entre elles ont pu aller à l'école, intégrer l'administration ou encore accéder à son gouvernement. Pour Sankara, révolution et libération de la femme allaient de paire. Ce n'était pas, à ses yeux, un acte charitable, mais une nécessité fondamentale. Il a réussi également à motiver son peuple, à le rendre fier et courageux. Il voulait que ses concitoyens n'aient pas peur de perdre leur vie pour espérer un avenir meilleur. Il savait qu'il n'allait pas durer, qu'il serait tué pour ses idées qui dérangeaient autant en Afrique qu'en Europe, c'est pourquoi il a entrepris autant de choses en si peu de temps. De son vivant, les gens ne l'on pas compris. C'est après sa mort que beaucoup de choses ont changé, même dans l'esprit de ses détracteurs qui ne voulaient pas de ce programme révolutionnaire. Certains d'entre eux ne sont d'ailleurs pas contents de ce qu'ils ont actuellement, c'est bien preuve que Sankara avait raison. Il était visionnaire, mais cette force a été son principal handicap. Maintenant, c'est trop tard car on ne peut ni revenir en arrière, ni retrouver un président de sa trempe. Notre mal, c'est nous. Cependant, on peut sûrement appliquer certaines de ses idées. À nous d'écrire maintenant notre propre histoire pour aller de l'avant. Il y a trente ans, Blaise Comparoé, son ami d'enfance, a renversé le pouvoir de Sankara en faisant un coup d’État. Certains ici accusent la France de l'avoir soutenu dans sa démarche. Moi, je constate que rien ne prouve cela. Comme on ne peut pas accuser les autres sans preuve, pour moi, seul Blaise est coupable. 
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"Sankara et moi", par Issa Sankara



Je porte le même nom de famille que Thomas Sankara mais je ne sais pas si nous faisons partie de la même famille. En tous les cas, je suis fier de le partager avec lui. On dit que chaque homme laisse des traces de son passage sur terre. En ce qui le concerne, il a laissé derrière lui une image plus que positive. Même ceux qui n'ont pas aimé sa politique reconnaissent ses qualités d'homme honnête et droit. Ce que j'apprécie chez lui, c'est qu'il rendait des comptes à la population. Il prenait souvent la parole pour dire ce qui n'allait pas et ce qu'il allait faire pour changer les choses. Son message était ce qu'il était mais, au moins, il était clair. J'aime le fait qu'il ait donné beaucoup de moyens à l'armée pour que cette dernière s'occupe de la population. D'une façon générale, que cela concerne la santé, l'éducation, la culture ou encore l'agriculture, il a fait beaucoup pour son peuple. Il a consacré toute sa vie pour que nous ayons des lendemains meilleurs. À sa mort, il avait fait tellement de choses pour les autres que c'était l’État qui lui devait et non l'inverse. De nos jours, sa politique serait difficile à mettre en place, notamment à cause de sa volonté de consommer uniquement burkinabè. D'ailleurs, avoir à nouveau un homme aussi intègre serait impossible car la corruption est trop présente désormais. De plus, le parti Sankariste est bien emmerdé pour lui trouver un véritable successeur. En effet, le représentant actuel de ce parti a tendance à dire que Sankara était unique et charismatique. Cela sous-entend que son héritage est trop lourd à porter et qu'il est devenu par la force des choses irremplaçable. Comment peut-on faire alors ? On a besoin de lui pour avancer, pour donner de l'espoir aux jeunes et, en même temps, sa mémoire étouffe tout le monde. Bien sûr, on peut toujours appliquer certaines de ses idées, notamment en ce qui concerne l'éducation, la santé et la condition de la femme, mais il faudra vite trouver un président digne de ce nom si on veut avancer. Ce que je retiens de tout ça, c'est que Sankara était un homme de justice. C'est pourquoi je regrette vraiment sa mort. 
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"Sankara et moi", par Ibrahim Sanou



Je n'ai pas eu la chance de connaître Thomas Sankara, pourtant j'aurais bien aimé car j'ai entendu ce qu'il voulait pour son pays. J'ai appris son histoire grâce à mes amis, ma famille et notamment grâce à mon bon vieux père. Je me souviens aussi de mon professeur de CM2 qui avait pris quelques libertés avec le programme scolaire pour nous initier à Sankara. Le capitaine a voulu faire beaucoup de choses pour notre pays mais ce que je retiens le plus c'est qu'il était contre l'importation et qu'il nous incitait à consommer uniquement burkinabè. Cela peut paraître simple comme démarche mais, en agissant de la sorte, il montrait sa volonté de s'opposer aux pays occidentaux qui pillaient les richesses de l'Afrique. Il donnait ainsi un symbole fort au monde entier. Il a aussi remis de l'ordre chez les fonctionnaires en licenciant ceux qui étaient régulièrement en retard. De nos jours, lorsque l'on se rend dans un bureau, il est difficile de trouver un secrétaire. On est donc obligés d'attendre ou de repasser ultérieurement. Sous Sankara, cela n'arrivait jamais. Les agents étaient au service de la population ou alors ils étaient virés sur-le-champ. C'était un président tellement proche du peuple qu'il se promenait régulièrement dans les rues sans être escorté. Qui a fait ça à part lui ? Le plus fou dans son histoire c'est qu'il a été assassiné par Blaise, son ami d'enfance. Pour nous, c'est inconcevable et jamais on ne pourra pardonner à Compaoré cette trahison. Sankara était un homme droit et courageux qui n'avait peur de rien. C'est pourquoi nous l'avons pris comme modèle et que l'on a fait de lui un héros. Personnellement, je pense qu'il avait raison de vouloir changer les choses aussi vite car on ne peut pas espérer sans agir. Il fallait quelqu'un de sa trempe pour réveiller nos consciences. J'estime qu'il est tout à fait possible de nos jours d'avoir un nouveau président qui partage ses idées et sa façon de faire. Le pays actuellement est dirigé par la France, contre les révolutionnaires. À chaque réunion politique importante la France est présente, pourquoi ? J'ai 28 ans et je n'ai connu qu'un seul président. Il faut vraiment que les choses changent. Je fais partie du mouvement Sankariste et j'ai la volonté de transmettre l'histoire du camarade à nos enfants.
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"Sankara et moi", par Jean-Noël Djiguimed



J'étais tout petit quand Thomas Sankara a été assassiné. Comme beaucoup, j'ai appris son histoire avec mes grands frères. Aussi, à l'école, en classe de CP1, mon professeur nous a initiés à son idéologie. Durant tout le mois d'octobre de cette année 2016, ont été diffusé à la télévision ainsi qu'à la radio la plupart de ses conférences et de ses discours, notamment celui qu'il a tenu devant l'Assemblée Générale à l'ONU le 4 octobre 1984. À chaque fois, c'est l'occasion pour nous d'en savoir encore plus sur son programme et ses idées. Pour moi, cet homme-là est un monument. J'apprécie à la fois ses idées mais aussi la façon qu'il a eu de les mettre en place. « La patrie ou la mort nous vaincrons », « À bas l'impérialisme, le colonialisme et le néo-colonialisme »... Ce sont des slogans forts. Il voulait un pays libre et travailleur. Un pays qui ne dépendrait d'aucun autre état, notamment de la France et de la Côte d'Ivoire. C'est pourquoi il s'est rapidement mis à dos François Mitterrand et Félix Houphouët-Boigny. Sankara était tellement engagé que cela lui a coûté la vie. Pourtant, il n'a pas demandé à son peuple de réaliser l'impossible. Ce qu'il souhaitait était faisable. La preuve, à chaque fois, il montrait lui-même l'exemple. Il a beaucoup été critiqué par ceux qui le trouvaient directif et autoritaire, mais rien de tout cela ne pouvait l'arrêter. Les propos négatifs qu'il entendait ne semblaient pas le toucher, sûrement parce que c'était un militaire qui avait du culot et qui savait ce qu'il voulait. À la maison, j'ai une photo de lui car j'aime ce qu'il a fait pour le Burkina et, à travers ce pays, ce qu'il a fait pour l'Afrique tout entière. Désormais, les hommes politiques comme lui n'existent plus, ni au Burkina ni ailleurs, car tous sont corrompus. Il faudrait cependant qu'un nouveau régime s'empare de ses idées, notamment en ce qui concerne la santé, l'éducation et la condition de la femme car, ici, tout reste très compliqué pour la plupart d'entre nous.
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"Sankara et moi", par Idriss Yaro 


Ce que je sais de Thomas Sankara, je l'ai appris par la radio, la télé, mes amis ou encore par mes parents qui l'avaient rencontré au lycée Ouezzin Coulibaly. Je retiens surtout qu'il était un homme à idées, simple et sans façon, qui a lutté pour le développement de l'Afrique tout entière. Il avait l'art de convaincre les gens car tout ce qu'il disait était vrai. Surtout, il avait de l'audace. Il connaissait tout le potentiel du Burkina Faso et savait que son pays avait toutes les ressources nécessaires pour se développer. Il avait conscience également que cette richesse était source de convoitise. C'était un visionnaire qui stipulait que l'Afrique était un continent dans lequel tout le monde viendrait se rassasier. Il avait prévu que les occidentaux seraient les premiers à piller nos richesses naturelles, notamment notre or. Trente ans après ses propos, c'est ce qui est en train de se passer. En 1985, il a mis en place « la bataille du rail » afin de désenclaver le nord du pays. Il voulait que tout le monde vienne prêter main forte. Hommes, femmes, il a su mobiliser les troupes en expliquant au peuple qu'il devait se prendre lui-même en main. De la sorte, il luttait contre l'attentisme qui était très présent dans le pays avant sa présidence. Il estimait que penser collectivement était une force et il trouvait merveilleux que chacun contribue à l'effort pour construire une nation plus égalitaire. Il voulait mettre les gens dans un climat de travail et d’honnêteté. Lui-même montrait l'exemple et ne voulait pas que l’État gère mal les dépenses publiques. Il ne supportait aucun gaspillage financier et acceptait de financer uniquement des causes collectives justes et égalitaires. C'est pourquoi il a beaucoup œuvré pour améliorer la condition de la femme, notamment en ce qui concernait sa santé et son éducation. Avant Sankara, une fille enceinte était exclue de l'école. Lui, estimait qu'une femme ne tombait pas enceinte toute seule et qu'elle ne devait pas être pénalisée pour ça. Il demandait alors à l'ensemble de la société d'assumer sa situation. Il a tenu des propos très forts en disant que l'ennemi de l'Afrique, c'est l'africain. Certains n'ont pas compris ses propos car il bouleversait les mentalités. Comme il était tourné vers les jeunes, il les rejoignait au moment du grin pour prendre le thé avec eux. Cela lui permettait de connaître leurs attentes, leurs espoirs ou encore leurs difficultés. En même temps, lors de ces échanges, il les incitait à travailler. C'est triste, mais il a été assassiné parce qu'il avait défendu ces idées-là...
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"Sankara et moi", par Dieudonné Coulibaly



Thomas Sankara, c'est mon idole. D'ailleurs, ici, on nous appelle tous les « enfants de Sankara ». On a grandi avec son histoire même si certains cherchaient à nous la cacher. Mais, entre amis, on échangeait à son sujet à voix basse. Sankara, c'était le président des pauvres, un révolutionnaire qui aimait l'Afrique, qui aimait son pays et qui estimait son peuple. Entre 1983 et 1987, il a fait beaucoup de choses pour son pays comme pour ses concitoyens. Je sais par exemple qu'il a pris aux hauts fonctionnaires pour redistribuer aux agriculteurs. Je connais tout son parcours et tout ce qu'il a fait pour les femmes, les enfants, l'économie, la santé, le social, l'agriculture... C'était un lettré qui était très cultivé. Son langage était tellement soutenu que certains de ses compatriotes ne le comprenaient même pas. Ce qui me plaît en lui, c'est qu'il savait montrer l'exemple et qu'il n'hésitait pas à rencontrer le peuple, à descendre dans la rue pour échanger avec lui. Par contre, je sais aussi qu'il n'aimait pas être contredit. Cela ne m'empêche pas pour autant de le comparer à un messie. Il voulait en effet que tous les pays africains s'unissent pour une bonne gouvernance, pour défendre une cause commune. Cela a dérangé certains pays en Afrique comme en Europe. La France et la Côte d'Ivoire sont d'ailleurs impliquées dans son assassinat. Le coup d'état qui l'a fait mourir a été un choc, non seulement pour les burkinabè, mais pour tous les africains. Mais, comme tous les grands hommes, il ne mourra jamais car il nous a donné beaucoup de choses, notamment la liberté. Son histoire nous a été cachée. Tout ce qu'il a dit ou fait a été censuré. Comme cela nous a intrigué, on a cherché à savoir pourquoi. Des animateurs radio ont alors réveillé nos consciences. Ils nous ont dit que l'on tentait de nous manipuler, de nous endormir. Je fais partie de la génération Sankara et j'en suis fier. C'est pourquoi je témoignerai en son honneur en transmettant à mon tour tout ce que je sais de lui. On a éliminé l'individu mais son discours, lui, est toujours là.
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"Sankara et moi", par Youssouf Ouedraogo


J'ai appris l'histoire de Thomas Sankara à travers ses discours et ses livres. J'ai vite compris que c'était un grand président mais aussi un grand homme. En moins de quatre ans, il a changé le pays. Il lui a donné un nom, un drapeau, un hymne et une reconnaissance. Avec lui, on est reparti de zéro. Avant sa gouvernance, la Haute-Volta n'était pas très connue. Grâce aux discours qu'a tenu Sankara à l'étranger, le Burkina Faso, « le pays des hommes intègres », est devenu l'exemple à suivre pour beaucoup d'Africains. Grâce au discours qu'il a prononcé à l'ONU en octobre 1984, le monde entier avait enfin les yeux braqués sur notre nation. Ce jour-là, il n'a dit que des vérités même si ces dernières dérangeaient certains. Il est clair qu'il a montré ouvertement sa volonté de tourner le dos à l'Occident qui spoliait nos richesses. Sankara a été un président qui a défendu non seulement son pays mais aussi son peuple. Il a tout misé sur l'éducation, la santé et l'agriculture. Il a défendu la cause de la femme en lui accordant de nouveaux droits. Il a également incité les parents à inscrire leurs enfants à l'école ce qui n'était pas sans conséquences pour les cultivateurs. Pour les motiver, il leur donnait alors une somme mensuelle afin de combler la perte de cette main d’œuvre. En agissant ainsi, tout le monde était gagnant. Sankara a également demandé aux agriculteurs de produire des bananes car il ne voulait pas que le Burkina Faso dépende de la Côte d'Ivoire. En quelques années seulement, il a permis à son pays d'être, d'un point de vue alimentaire, auto-suffisant. Hélas, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il a été le premier président burkinabè à construire autant de logements sociaux en si peu de temps. Aussi, il s'est attaqué à la redistribution des parcelles, ce qui n'était pas une mince affaire. Sa vision des choses était simple et claire : tout pour le peuple, rien que pour le peuple. Comme il n'aimait pas les personnes individualistes, il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que ses concitoyens se mettent à penser de façon collective. Il a su mobiliser l'ensemble des Africains pour que ces derniers défendent de grandes causes, notamment la libération de Nelson Mendela. Malgré tout ce qu'il a mis en place pour défendre sa nation, Sankara a toujours su rester un homme simple. Palais présidentiel, voiture de fonction... il a refusé tout le luxe de son prédécesseur. Le problème du Burkina actuellement, c'est que, même si Blaise a été chassé du pouvoir, ceux qui ont assassiné Sankara sont toujours en place au gouvernement. Nous traversons donc une période compliquée. Pour conclure, je dirai que Sankara était un prophète envoyé par Dieu pour libérer notre pays du colonialisme et de l'impérialisme.
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"Sankara et moi", par Bertrand Kissou


Thomas Sankara... J'ai eu la chance de le voir à Yako. Ce qui m'a fait grandir, c'est son enseignement, sa manière de voir les choses. Il a tracé les chemins de la liberté. J'aime les luttes qu'il a menées pour la liberté car, sans elle, tu ne peux simplement pas vivre. Avant Sankara, ceux qui avaient la parole, c'étaient les bourgeois. Sous sa présidence, le peuple a enfin eu son mot à dire pour la première fois. Sa célébrité va au-delà de nos frontières car beaucoup de musiciens en Afrique ont mis ses discours en musique. Internet a aussi joué en sa faveur. Maintenant, partout dans le monde, on sait qui est Sankara et ce qu'il a fait pour l'Afrique et pour le Burkina Faso en particulier. Les musiciens ont mal vécu la gouvernance de Blaise car ils n'étaient pas soutenus. D'une manière générale, beaucoup de jeunes pensent que c'était mieux avant, que leur vie aurait été meilleure sous Sankara. Ils n'ont pas vraiment tort. Quand on regarde tout ce qu'il a fait, c'est énorme. Il a construit des écoles, des moulins, des savonneries. En très peu de temps, il a apporté au peuple la base nécessaire : la nourriture, l'éducation et la santé. Il aurait pu faire encore beaucoup plus si on ne l'avait pas assassiné. Ses idées étaient bonnes mais une partie de la population a eu, par peur, du mal à le suivre. Ce qui est triste, c'est que beaucoup ne l'ont compris que sur le tard, après sa mort. Cependant, les choses peuvent encore évoluer ici. Les révoltes régulières des écoliers suite à l'assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998 ou encore les mouvements populaires qui ont permis de renverser Blaise Compaoré il y a deux ans, c'est l'héritage de Sankara qui veut ça. Trente ans après sa mort, sa volonté d'un monde meilleur et plus juste se trouve toujours dans l'esprit de tous les manifestants. Ce que je retiens surtout de lui, c'est qu'il est resté humble et non corrompu pendant la totalité de sa gouvernance. Contrairement à ce que pouvaient penser ses détracteurs, Sankara ne s'était pas enrichi sur le dos du peuple. La preuve, lorsqu'ils ont fouillé sa maison suite à l'annonce de son assassinat, ils n'ont trouvé dans cette dernière ni argent, ni objet de valeur.
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"Sankara et moi", par Awa Sanou


Je peux vraiment dire que Thomas Sankara est un homme qui a eu beaucoup d'importance dans ma vie. Je l'ai côtoyé à plusieurs reprises. D'ailleurs, il est venu plusieurs fois frapper à la porte de ma maison et je possède même des photos de lui. Comme tout autre artiste dans ce pays, je ne peux que reconnaître et admirer ce qu'il a fait pour la culture car il nous a rendu la vie plus simple en nous donnant une reconnaissance que l'on n'avait jusque-là jamais eue. Avec ma troupe Koulédafourou, je l'ai suivi lors de ses déplacements, notamment au Ghana et en France. Dans l'avion militaire qui nous transportait, il m'accompagnait à la guitare lorsque je chantais. Souvent, lorsqu'il se rendait à l'étranger pour prononcer ses discours, il nous emmenait afin que l'on fasse rayonner la culture burkinabè hors de nos frontières. Il a entrepris également beaucoup de choses pour améliorer la condition féminine. C'est notamment lui qui a instauré dans notre pays la journée de la femme qui est célébrée chaque année le 8 mars. Il nous a également donné l'occasion d’exercer des métiers qui étaient auparavant réservés aux hommes. Il nous a aussi ouvert les portes du fonctionnariat et des ministères. Il a changé les mentalités des hommes et, par répercussion, il a amélioré notre condition d'épouse et de mère. Il n'a cependant pas œuvré que pour les femmes. En effet, il s'est battu pour l'ensemble de son peuple, donnant à tous ses concitoyens une véritable identité en changeant l'hymne national, le drapeau, et le nom du pays. Des membres de ma famille étaient très proches de Sankara. Aussi, quand il a été assassiné, ils ont dû se cacher pendant plus de trois ans par peur des représailles. C'était vraiment une période très difficile pour nous. Je sais que les jeunes apprennent son histoire, qu'ils connaissent ses discours grâce à la radio, la télé ou encore grâce à internet. C'est bien. Il ne faut pas qu'il soit oublié car il a fait trop de bonnes choses pour son peuple. À sa mort, la condition des artistes s'est beaucoup dégradée. Du jour au lendemain nous n'avons plus eu de soutien et ça c'est encore dur à admettre. Mais, trente ans après son assassinat, il nous donne toujours le courage, la force de nous battre, de nous engager et de créer.

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"Sankara et moi", par Bikontine Da



Je dirais que Thomas Sankara, c'était à la fois rien et tout. Pourtant, tout ce qui se rapporte aux mots « burkina » et « burkinabè » se rapporte à Sankara. Dès que tu prononces ces deux mots, c'est Sankara qui sort de ta bouche. Je n'ai aucun rapport direct avec lui, si ce n'est que je déteste celui qui l'a assassiné, à savoir Blaise Compaoré. Entre 1990 et 2014, j'ai beaucoup entendu parler de Sankara. Les gens en disaient beaucoup de bien et beaucoup le comparaient à Nelson Mandela ou encore au « Che ». Tous les enfants du monde aiment les héros, mais Thomas Sankara ce n'était pas un conte. C'était une réalité, un personnage sacré. Sankara c'est mon Batman à moi et, comme tous les héros, il a dû casser pour reconstruire ensuite. Cependant, il faut faire la part des choses entre l'homme et sa politique qui n'était pas forcément parfaite. Qu'est-ce qu'on retient des présidents qui lui ont précédé ? Pas grand chose. Lui est arrivé en disant aux burkinabè qu'il fallait transformer les choses, changer le nom du pays pour marquer une rupture, un renouveau. Il leur a apporté par ce biais la fierté d'appartenir à un pays en donnant notamment un sens à l'appellation-même de la terre de leurs ancêtres. En quatre ans, il a incarné à lui seul l'esprit de transformation de tout un peuple. Il a rendu au pays son autosuffisance alimentaire. Il lui a donné également un essor et une indépendance économique et, enfin, il a lutté contre la désertification. Sans être un idolâtre, cette personne ne peut qu'avoir une certaine considération en retour de tout ce qu'il a entrepris. D'ailleurs, même ses détracteurs ne peuvent nier qu'il a fait beaucoup pour son pays. J'ai lu « Sankara le rebelle », « Sankara et le Burkina », « L'espoir assassiné » et j'ai compris qu'il était notre mal nécessaire. Sankara, c'était un poète qui avait pleinement conscience du monde dans lequel il évoluait car il savait se fondre dans la masse. La jeunesse actuelle n'a connu que Blaise et, dans les librairies jeunesse, aucun livre ne parle de Sankara. Où est alors la liberté ? Qui peut nous dire si on doit l'aimer ou le vomir ? Personne. On devrait avoir accès à son histoire et c'est tout le contraire qui se produit car certains font tout pour étouffer un nom pourtant éternel. Sankara restera Sankara grâce à la portée de ses discours, comme celui qu'il a prononcé à l'ONU. Malheureusement, au Burkina, même si nous consommons de l'information, nous ne savons pas lire. On a réussi une insurrection, une élection et pourtant rien ne bouge. Actuellement, tout reste compliqué car, même si tu as de l'argent, tu ne peux rien entreprendre. Si je m'attache à Sankara c'est parce qu'il nous a apporté la plus belle des valeurs : la liberté.
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"Sankara et moi", par Raphaël Kambou

Thomas Sankara, c'est une figure. On la dessine comme on veut, on l’interprète comme on veut et on la façonne comme on veut. Personnellement, je dirais de lui que c'est une figure emblématique qui ne s'affiche jamais. Il disait lui-même qu'il n'était « ni un messie, ni un prophète ». Pourtant, son idéologie est une prophétie. Certains le considèrent comme le « Che » africain, mais il est bien plus que cela. Ernesto a lutté pour la Bolivie, le Nicaragua, l'Argentine. Il est même venu en Afrique lorsque cette dernière appartenait encore aux colons. Thomas Sankara, lui, a d'abord défendu son propre peuple dans un esprit « charité bien ordonnée commence par soi-même ». Il aimait dire « qu'un homme qui a faim n'est pas un homme libre ». C'est pourquoi il a tant fait pour l'agriculture burkinabè. À travers ce qu'il faisait pour son pays, il défendait la cause africaine dans son ensemble. Il est allé défendre Nelson Mendela et il s'est battu pour sa libération. Il était le président d'un des pays les plus pauvres au monde et cela ne l'a pas empêché de s'attaquer aux plus grands qui ont comploté dans le dos de l'Afrique tout entière. Il a adopté les idéaux de ses prédécesseurs qui voulaient une Afrique unifiée et émancipée. Dieu disait « aimez-vous les uns les autres », Sankara allait plus loin en disant que tous les humains de ce monde devraient vivre en harmonie. Il aurait pu aimer l'impérialisme car son père était un ancien combattant, pourtant il a tourné le dos à l'Occident. D'ailleurs, son discours anti-impérialiste fait encore des effets aujourd'hui. À sa mort, Blaise Compaoré a bien tenté de ternir son image mais l'arbre n'a pas su cacher la forêt. Les trois ans de présidence de Sankara effacent les vingt-sept ans de Blaise. À ce sujet, mon oncle disait souvent « ceux qui vont venger Sankara seront ceux qui ne l'auront jamais connu ». Pendant l'insurrection populaire d'octobre 2014, les jeunes qui n'ont pas connu son régime l'ont pourtant revendiqué avec beaucoup de plaisir et d'espoir. On a compris alors que le Burkina sera toujours lié à Sankara, quoi qu'il advienne. Ce que je retiens de lui, c'est que cet homme lettré voulait une révolution démocratique et sociale. Il avait un côté Gandhi pour sa sagesse et un côté Lénine pour son goût du social. Il parlait d'esclavagisme mental et disait «qu'un esclave qui n'est pas capable d'assumer sa propre révolte ne mérite pas que l'on s'apitoie sur son sort ». Surtout, le plus important à mes yeux, c'est qu'il était proche du peuple.

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"Sankara et moi", par Issa Dembélé


Je suis né dix ans après la mort de Thomas Sankara. Tout ce que je sais de lui m'a donc été rapporté. J'ai appris son histoire grâce à ma famille. Certains professeurs m'ont aussi expliqué son parcours. Surtout, depuis la fin de l'année 2015, suite aux analyses ADN qui ont été effectuées sur sa dépouille, on parle beaucoup de lui à la radio et à la télévision. Ce que je retiens de lui, c'est qu'il était un véritable leader. Il avait l'intelligence, les idées et le charisme. Avec tout ceci, il aurait pu créer les États-Unis d'Afrique mais on ne lui en a pas laissé le temps. Il était également optimiste et, surtout, il n'avait pas peur de dire la vérité même si elle n'était pas toujours bonne à dire. Grâce à lui, en quelques années seulement, le pays a connu un véritable essor. Peu de temps après son arrivée à la gouvernance, la population a eu accès à la nourriture, à la santé, à l'éducation. Il savait ce qu'il voulait et il ne tardait pas à mettre des chantiers en route. Actuellement, notre pays est à la traîne. S'il avait pu rester au pouvoir plus longtemps, on serait allés beaucoup plus loin, dans tous les domaines. C'était un homme honnête qui voulait lutter contre la corruption. Il savait montrer l'exemple de ce qu'il fallait faire. Il n'attendait pas des autres ce qu'il ne s'appliquait pas à lui-même, c'est pourquoi il a refusé de résider dans le palais présidentiel. Qui d'autre a fait ça à part lui ? Dans mon entourage, on est tous prêts à appliquer certaines de ses idées car nous pensons qu'elles sont bonnes pour notre pays, pour notre peuple. Par contre, consommer uniquement burkinabè, ce serait difficile maintenant. Une grande partie de la jeunesse éprouve à l'égard de ce président une nostalgie positive. Il y a peu de temps, il y a eu une insurrection populaire qui a mis fin au règne de Blaise Compaoré. On l'a chassé en espérant avoir des lendemains meilleurs mais, jusqu'à présent, rien n'a changé. Sankara portait en lui l'amour de son pays et de ses habitants. Il n'est pas arrivé au pouvoir pour faire fortune mais pour servir son peuple. Il a toujours voulu rester proche de ses compatriotes. Il n'aimait pas le luxe et portait très souvent une simple tenue de militaire. Il se rendait régulièrement dans les rues, habillé en civil, pour se rendre compte des difficultés que rencontraient les citoyens. Il était optimiste, juste et honnête. Pour moi, tout cela faisait de lui un vrai patriote. On sait tous que certains d'entre nous font tout pour effacer sa mémoire ou encore pour cacher les résultats des tests ADN. Mais, nous, on se battra toujours pour lui. On fera en sorte que son nom ne disparaisse jamais des livres d'histoire. On se battra tous les jours pour que l'on n'oublie pas ce qu'il a fait pour son pays, pour que jamais ne soit oubliée la politique qu'il a menée et surtout pour qu'un jour la justice lui soit rendue.
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"Sankara et moi", par Adama Coulibaly
Je suis né après l'assassinat de Thomas Sankara mais je connais très bien son histoire. J'ai pris conscience de son parcours en regardant à la télévision des documentaires le concernant. J'ai aussi entendu bon nombre de ses discours à la radio. Grâce à tout cela, j'ai compris qu'il était très actif sur le terrain. J'ai constaté également qu'il était le premier à inciter les autres à entreprendre. Il savait mobiliser les forces vives de ses compatriotes en montrant lui-même l'exemple. C'était un fédérateur. Il était porté par une sorte de passion pour son pays et sa vision des choses dépassait nos frontières. En parlant du Burkina, en œuvrant pour son pays, il se battait en fait pour toute l'Afrique. C'était un homme ouvert qui a fait beaucoup pour l'éducation et la culture. Ce qui lui importait le plus, c'était l'épanouissement du Burkina Faso. Il a remis de l'ordre dans le système éducatif ainsi que dans toute la fonction publique. D'une manière générale, il n'aimait pas les gens qui restaient sans rien faire toute la journée alors il les incitait à travailler. Sankara avait une force qui a surpris tout le monde, surtout après sa mort. Cet homme intègre n'était pas intéressé par le profit et il n'était pas non plus matérialiste. La seule chose qui lui importait, c'était de développer son pays et de donner une bonne image de ce dernier à l'étranger. À son époque, la Chine et le Burkina étaient pratiquement au même niveau. Quand on regarde l'écart qu'il y a désormais entre ces deux pays, on peut vraiment se poser des questions. Qu'est-ce qui nous a manqué pour que l'on reste à la traîne comme ça ? Qu'est-ce qui a fonctionné en Chine et qui n'a pas pris chez nous ? Je pense que l'on pourrait rapidement rétablir l'équilibre et même dépasser ce pays mais pour cela il faudrait faire des sacrifices que l'ensemble de la population n'est pas prêt à supporter. Or, on ne peut rien construire si l'on ne se bat pas pour une même cause. Je pense alors qu'il faut diffuser davantage ses discours et les faire apprendre aux plus jeunes. Plus on éduquera les enfants et plus on leur expliquera qu'un autre monde est possible, plus on pourra les motiver à bâtir un avenir plus respectueux du citoyen ainsi qu'un futur sans magouilles ni corruption.
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"Sankara et moi", par Mamadou Campos Konate




Le capitaine Thomas Sankara disait toujours « tout le monde est camarade ». Ton papa, ta maman, tes amis. Il mettait tout le monde sur un pied d'égalité. Je me souviens de l'avoir vu à l'école primaire. Il était venu avec Blaise Compaoré alors que Jean-Baptiste Ouedraogo était encore président. Je me souviens aussi qu'à l'Hôtel de ville de Bobo Dioulasso, le 14 mai 1983, il a adressé à la jeunesse un discours dans lequel il a dit «il faut combattre directement l'ennemi, car  un chat est un chat ». Quand il est rentré à Ouagadougou trois jours plus tard, il a été arrêté. Très vite, il y a eu de nombreuses marches populaires pour défendre sa cause. Quelques mois plus tard s'en est suivi un coup d'État mené par Blaise Compaoré qui a permis à Sankara de prendre le pouvoir. À ce moment précis, pour nous, tout a changé. J'ai fait partie des pionniers depuis mes sept ans jusqu'à mes quatorze ans environ. Notre devise était « Oser lutter savoir vaincre. Vivre en révolutionnaire, mourir en révolutionnaire les armes à la main. La patrie ou la mort nous vaincrons ! ». On était encadrés par les Sofas qui nous apprenaient la maîtrise des armes afin de contrer les positions rebelles. Je me souviens très bien de lui. C'était un grand homme, pas seulement pour le Burkina Faso, mais pour l'Afrique tout entière. Il a mis en place beaucoup de choses. Il a notamment formé les Comités de Défense de la Révolution dans tous les secteurs, même à la campagne. Avec l'opération « ville blanche », il a fait peindre les maisons en blanc, synonyme de propreté, et a demandé à la population de balayer les rues chaque week-end, dans tous les quartiers. Il a organisé la course cycliste « Tour du Faso », la Semaine Nationale de la Culture et le Salon International de l'Artisanat de Ouagadougou. Grâce à lui, le Stade du 4 Août, la Citée de Saint-Étienne ou encore le Boulevard de la Révolution ont vu le jour. Il a aussi mis en place les Tribunaux Populaires Révolutionnaires qui avaient pour objectif de condamner les ennemis de la nation. Les accusés devaient se justifier en public et leurs propos étaient diffusés à la radio et à la télé. Il avait également décidé que, chaque jeudi, les fonctionnaires devaient porter la tenue « Faso Dan Fani », un pagne tissé au Burkina Faso. Il a imposé beaucoup de choses dans l'idée de rassembler tous les burkinabè. Il voulait que l'on avance tous ensemble. Lui-même était très proche du peuple. C'était surtout un homme honnête et courageux qui n'a pas été tenté par la corruption. Alors qu'il était au pouvoir, sa femme travaillait et lui est mort sans aucune richesse personnelle. Le Capitaine Thomas Sankara restera toujours dans nos mémoires car nous transmettrons à nos enfants son héritage afin de leur donner de l'espoir. Ce que je retiens surtout de lui, c'est qu'il a transmis à tout son peuple une culture de paix et de tolérance. C'est pourquoi j'ai vraiment de l'amour pour le "camarade".


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"Sankara et moi", par Prosper Dioma Kalfassoro

Thomas Sankara, pour moi, c'est une référence. Ce qui me frappe chez lui, c'est qu'il était simple et qu'il se fondait au peuple, à la masse. Il savait se mettre au même niveau que ses concitoyens alors qu'il était président. Il voulait développer l'apprentissage du sport afin d'apprendre la rigueur et l'endurance. Il voulait aussi que tous les jeunes aillent à l'école. Pour cela, il a fait baisser les coûts de scolarité. Il a conscientisé le peuple et lui a appris à penser collectif. Surtout, il a fait comprendre aux burkinabè qu'ils ne devaient pas attendre que l'aide vienne d'ailleurs. Il a également rendu à la femme toute sa place dans la société. Sous sa présidence, cette dernière est devenue l'égale de l'homme. Du jour au lendemain, il lui a accordé des responsabilités dans la famille ou dans les ministères qu'elle n'avait auparavant jamais eues. Sankara a su mener une révolution sans s'inspirer des autres. Beaucoup le comparaient au « Che », mais il n'aimait pas ça. C'était quelqu'un de loyal, honnête et franc. Pourtant, sa vision des choses dérangeait en Occident comme en Afrique. Le programme qu'il nous imposait n'était pas facile, mais comme le résultat était pour nous et nos enfants, alors on était prêts à le suivre. On peut l'accuser de beaucoup de choses, notamment d'avoir été trop autoritaire. Pourtant, il était bon avec son peuple. Il a par exemple demandé aux fonctionnaires de cotiser à une caisse de solidarité. Cela a eu du mal à passer même si, de son côté, Sankara avait beaucoup réduit son propre salaire. De son vivant, certains ici se sont posés des questions quant à sa richesse personnelle. Mais, après le coup d'État de Blaise Compaoré, on a fouillé la maison de Sankara et on n'a trouvé ni argent, ni objet de valeur. C'était vraiment un homme honnête. Je me suis beaucoup documenté à son sujet. D'ailleurs, dans mon portable, j'ai l'enregistrement du discours qu'il a tenu à l'ONU le 4 octobre 1984. Il s'y est rendu habillé en militaire et a parlé au nom de son peuple. Il a parlé d'esclavage, de lutte des classes et, surtout, il a dénoncé la mainmise de l'Occident sur l'Afrique alors que la colonisation était soi-disant officiellement terminée. Ce qui est certain, c'est que sa vision des choses dérangeait. Il savait que le Burkina avait les ressources nécessaires pour se redresser, pour être autonome. Si l'on compare le Burkina et la Chine, ces deux pays étaient à la traîne il y a trente ans. Comment expliquer que la Chine a su depuis se hisser dans les premiers rangs alors que nous, nous n'avons pas pu évoluer ? Si Sankara avait pu rester au pouvoir plus longtemps, on aurait pu aller plus loin. Mais comme il gênait les intérêts de certains, on l'a assassiné. J'ai vraiment vécu sa disparition comme une injustice pour notre peuple.

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 "Sankara et moi", par Alima Bandaogo



J'ai plutôt une bonne image de Thomas Sankara. On m'a initiée à beaucoup de choses le concernant : les droits de la femme, l'éveil des consciences, le social, l'agriculture, l'éducation... Même si j'ai vécu quelques années sous sa présidence, je n'ai pas de souvenirs directs de lui. J'ai appris son parcours à travers mes études et grâce à des documentaires retransmis à la télévision ou à la radio. J'ai l'image d'une personne humble, qui se tenait à l'écart de la folie des grandeurs. Il me paraît également honnête et franc. Mais, comme on le dit souvent, « toute vérité n'est pas bonne à dire ». Je suppose alors qu'il a dû blesser certaines personnes. C'est d'ailleurs ce qui l'a probablement conduit à sa perte. Je pense qu'il a été incompris pendant sa présidence. Sa force, c'était d'être visionnaire. Tout ce qu'il voulait, c'était le bien de son pays ainsi que celui de l'Afrique tout entière. Il tenait à garder les bons candidats au pays et il encourageait en ce sens les étudiants en leur accordant des bourses spécifiques. Par contre, j'éprouve quelques réserves quant aux jugements publics des tribunaux populaires. Comme c'est un sujet délicat qui touche à l'éthique, je suis mal à l'aise avec cette idée. On peut apprécier ou non le personnage et sa façon de faire, mais je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il n'a rien fait pour son pays. Bien au contraire, quand on regarde tout ce qu'il a enclenché en quatre ans de pouvoir, on ne peut que reconnaître qu'il s'est battu sur tous les fronts, qu'il s'est attelé à tous les sujets de société. Je dirais que ce qui le caractérise le plus, c'est le courage. Il savait qu'il ne plaisait pas à tout le monde. Il savait même qu'on allait le tuer mais cela ne lui importait pas. Il est allé au bout de ses convictions et il s'est battu jusqu'à la dernière minute pour défendre les intérêts de son peuple. Je pense que, même si la réalité n'est plus la même désormais, il faut continuer son œuvre, notamment en ce qui concerne la politique agricole, la condition de la femme ou encore la scolarisation des enfants. Blaise Compaoré a d'ailleurs œuvré pour ces derniers mais, avec un peu de courage, j'estime que l'on peut aller encore plus loin.

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 "Sankara et moi", par Olivier Coulibaly


Thomas Sankara, c'était un visionnaire pour le Burkina Faso. Une véritable mère non seulement pour son pays, mais aussi pour tout le peuple africain. Il avait une façon claire et précise de ce qu'il voulait faire pour ses concitoyens. Il voulait aller très vite mais son énergie dépassait la capacité de son peuple à avancer. Moi, je suis né après sa mort. Quand j'ai appris son parcours, ça a été un véritable choc. J'aurais voulu vivre en son temps. La date de son assassinat, le 15 octobre 1987, est gravée dans ma tête. Comme tout leader qui voulait mener son peuple, il n'a pas pu aller au bout de ses idées. Ses actes étaient ceux d'un militaire et il n'avait pas le comportement d'un président. La preuve, c'est qu'il a formé les pionniers à se battre et non à faire la paix. Son discours était bien, mais il manquait de diplomatie. Il a voulu aller très vite pour changer les choses. Trop vite, même. Sankara, c'est le président que j'estime le plus. C'est un modèle très rare, un envoyé de Dieu comme l'a été Mendela. Ces deux-là ont vraiment fait exception dans la politique. Il a eu une vie intense mais on lui a brisé les ailes trop tôt. Il n'avait que 36 ans... Il n'est pas vraiment mort car ses discours sont toujours présents et ses écrits continuent à vivre. Ce qui fait sa force, c'est qu'il n'a pas vécu inutilement et qu'il est décédé quand il était au sommet. Actuellement, certains ne l'aiment pas, mais je constate que tous respectent sa parole. C'est compliqué car la jeunesse revendique son propos alors que ce dernier ne peut plus s'appliquer à notre époque. Je pense qu'il faut alors garder sa vision des choses mais changer sa stratégie. D'ailleurs certaines de ses idées ont été appliquées par la suite par Blaise Compaoré mais aussi par Roch Marc Christian Kaboré. Ce qu'il faut maintenant pour le Burkina Faso, c'est un messie. Ceux qui ont succédé à Sankara n'étaient pas forcément mauvais, mais tous ont eu des failles. Désormais, il nous faut un véritable leader. Comme on n'en trouve pas, on se raccroche au passé et on attend avec notre soif de démocratie et de vivre ensemble.

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 "Sankara et moi", par Oumar Sombié



Sankara et moi, on n'est pas de la même époque car je suis né un an après sa mort. Il reste cependant pour moi un modèle, un exemple à suivre. Cet homme a été intègre. Il s'est battu pour son pays et, à travers ce combat, il a défendu le sort de l'Afrique tout entière. Il a fait beaucoup de choses pour son peuple et je retiens surtout qu'en moins de trois ans il a permis au Burkina d'être, d'un point de vue alimentaire, autosuffisant. Je reste également impressionné par « la bataille du rail » qu'il a menée en février 1985. Cela consistait à prolonger la ligne de chemin de fer Abidjan-Ouagadougou jusqu'à Tambao afin de désenclaver les zones rurales du nord du pays. Grâce à son pouvoir de persuasion, Sankara a réussi à mobiliser la population qui a posé les rails à mains nues. Même si cet épisode a été douloureux pour certains, il n'empêche que la population a été très satisfaite du résultat. Il a également beaucoup œuvré pour la santé, la sécurité et l'éducation. Il voulait que tous les enfants aillent gratuitement à l'école, que ceux-ci soient formés intellectuellement et physiquement afin de devenir des individus intègres et courageux. Mais, ce qu'il a fait de bon pour nous n'est pas que matériel. Il a en effet changé le nom du pays qui s'appelait auparavant la Haute-Volta et il lui a donné un nouveau drapeau ainsi qu'un nouvel hymne national. Vraiment, il était fier de son peuple au point de lui donner une véritable identité. Quand il partait à l'étranger pour nous représenter, il portait une tenue de militaire. Il affichait ainsi aux yeux de tous son esprit révolutionnaire. Certains de mes compatriotes lui ont reproché sa façon de faire qui pouvait être très autoritaire, notamment avec les fonctionnaires qu'il n'hésitait pas à congédier lorsque ces derniers arrivaient en retard au travail. Il appelait tout le monde « camarade » et cela ne passait pas avec les anciens qui le trouvaient irrespectueux. Avec les jeunes, par contre, c'était plus facile. Je pense qu'il n'a pas été compris à son époque car il était, dans sa vision et sa conception des choses, en avance par rapport aux autres. Surtout, c'était un très bon orateur. Ses discours n'étaient pas écrits car il était très éloquent. Il lui aurait fallu plus de temps pour mettre en place toutes ses idées, tous ses projets. Mais il a voulu aller vite et, ça aussi, certains le lui reprochent encore. Cependant, ces mêmes détracteurs affirment que Sankara a fait plus de choses en trois ans de gouvernance que Blaise Compaoré qui lui a succédé pendant vingt-sept ans. Ce que j'apprécie le plus dans son parcours, c'est le fait qu'il voulait une politique proche et respectueuse du peuple. Ainsi, quand il est arrivé au pouvoir, il a revendu les voitures de luxe qu'avaient les ministres et a exigé qu'ils se déplacent en Renault 5. Lui-même a diminué son salaire pour montrer l'exemple. Grâce à tous ces gestes, une grande partie de la population l'a soutenu et a cru en ses rêves. Il savait que tout cela allait lui coûter la vie. Il connaissait même le nom de son assassin. Il ne l'a cependant pas stoppé alors qu'il en avait le pouvoir car un vrai révolutionnaire n'attaque jamais.

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"Sankara et moi", par Marius Tuina


Aujourd'hui encore, beaucoup de gens parlent de Thomas Sankara. Que ce soit lors du grin de thé ou sur les réseaux sociaux, beaucoup d'informations circulent à son sujet. Ce que je peux dire le concernant, c'est qu'il était visionnaire. Il prévoyait le futur et c'est pourquoi il voulait en priorité éduquer les enfants, pour que ces derniers grandissent et deviennent à leur tour des hommes honnêtes et courageux. Je reste persuadé qu'on vivrait mieux s'il était resté au pouvoir plus longtemps. Ça me fait mal de constater que notre vie est difficile alors qu'elle aurait pu être plus simple s'il avait eu le temps de terminer tout ce qu'il avait entrepris. J'ai su par mes aînés que Sankara voulait que l'on avance tous ensemble, qu'il n'y ait pas d'êtres supérieurs aux autres, que l'on soit tous égaux. Il a fait tout ce qu'il pouvait pour rester notre semblable alors qu'il était président. La preuve, c'est qu'il ne s'est jamais enrichi. C'est le seul président africain qui, à sa mort, ne possédait aucune fortune personnelle. Il avait comme ambition de nous unir. Pour cela, il se battait contre tout ce qui n'allait pas dans le sens de son pays. Il était sur tous les fronts. Par exemple, il incitait les Burkinabè à ne consommer que ce qui était produit sur leurs terres. Il était contre les importations des denrées et il faisait beaucoup de choses pour développer notre agriculture. Du coup, en quelques années seulement, il a rendu au pays son autonomie alimentaire. Il n'avait peur de rien. Il était loin d'imaginer que Blaise Compaoré, son ami d'enfance, le tue pour prendre sa place. Il ne pouvait pas penser que la France et la Côte d'Ivoire seraient également ses complices. Sankara était trop honnête et proche du peuple pour se couper des autres. D'ailleurs, il paraît qu'il sortait souvent le soir pour aller à la rencontre de ses concitoyens, qu'il se promenait dans les rues sans garde du corps, simplement pour boire un thé ou discuter avec la population. Quand il disait « La patrie ou la mort, nous vaincrons », ça avait vraiment du sens dans sa bouche. Lorsqu'il y a eu le mouvement populaire qui a permis de renverser le pouvoir de Blaise en octobre 2014, j'étais vraiment satisfait. Il fallait que notre peuple se soulève car il ne mangeait pas à sa faim. Beaucoup d'entre nous n'ont toujours pas accès à la santé et, ça, ce n'est pas normal. Même s'il faut vivre en son temps, je pense que l'on peut appliquer aujourd'hui encore certaines de ses idées. Le problème, c'est qu'il faut du temps pour changer les choses. Le résultat ne se voit pas forcément sur-le-champ. Pour faire une bonne politique, il faut établir de bonnes bases, avoir de bonnes fondations et construire étage par étage tout le reste. Ce qu'il faut pour le Burkina désormais, c'est faire en sorte que les jeunes s'engagent. Mais il y a tellement de magouilles politiques qu'ils se détournent des élections par dégoût. Ça se comprend mais ce n'est pas la bonne solution. Même si cela est encore difficile à mettre en place, je pense que l'on pourra espérer de meilleurs lendemains en s'unissant tous. Vraiment, j'aurais aimé vivre en son temps et je reste persuadé que l'on apprécie le vrai bonheur que lorsqu'on l'a perdu.

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"Sankara et moi", par Idrissa Sanou


Je suis né après l'assassinat de Thomas Sankara qui est, pour moi, un véritable guide spirituel. En voyant les traces qu'il a laissées derrière lui et en étudiant son parcours, on ne peut que reconnaître qu'il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour nous libérer de l'impérialisme qu'il combattait sous toutes ses formes. Grâce à lui, l'Europe n'avait enfin plus la mainmise sur l'Afrique et encore moins sur le Burkina Faso. Il prenait alors son pays comme exemple pour œuvrer dans le monde entier. Ce que je retiens surtout de lui, c'est qu'il s'est battu toute sa vie pour que le peuple burkinabè obtienne honneur et respect. Son idée était simple. Il voulait rebâtir son pays en partant sur de nouvelles bases, loin des volontés de l'Europe. Dans un discours prononcé le 4 août 1986, il a clairement affirmé son idéologie en disant « Un développement prêt-à-porter, non ! Un développement sur mesure, oui !» Il voulait également que ses concitoyens soient forts et courageux, dans leur vie professionnelle comme dans leur vie personnelle. Il désirait un peuple uni par la volonté commune de faire du Burkina Faso un pays digne et intègre. Je suis fier qu'il soit le seul président à avoir eu le courage d'affirmer que les dirigeants du monde entier n'écoutaient jamais la voix du continent Africain et que cette injustice devait cesser. Je suis fier également qu'il ait eu l'audace d'exiger, lors d'un discours prononcé aux Nations Unis, que Nelson Mandela soit libéré et que ce dernier puisse siéger aux rencontres de l'ONU. Les anciens qui n'ont pas voulu suivre Sankara ne sont pas contents de ce qu'ils ont actuellement, c'est bien signe que le « capitaine » avait raison. Mais, comme il le disait lui-même, « l'esclave qui n'est pas capable d'assumer sa révolte ne mérite pas que l'on s'apitoie sur son sort ». Il fallait en effet qu'une génération tout entière se mobilise, mais certains ont eu peur de ses idées et d'autres ne les ont pas comprises. C'est dommage car il avait le regard qu'il fallait pour le Burkina Faso. D'une certaine façon, on peut dire qu'il avait une longueur d'avance sur les autres. Sankara, plus on découvre son idéologie, plus on l'aime car on comprend que sa lutte nous aurait permis d'avoir des jours meilleurs. Il était tellement confiant qu'il a osé mener son combat sans tenir compte de l'avis de ses détracteurs. J'ai appris ses discours grâce à des recherches personnelles et grâce aux supports audio et vidéo que m'a transmis mon frère. J'ai également écouté la conférence du journaliste Norbert Zongo qui, alors qu'il conscientisait le peuple à se battre contre les injustices et à réclamer la vérité concernant l'affaire Sankara, a été à son tour assassiné. Heureusement, les idées de ces deux grands visionnaires ont germé dans l'esprit de nombreux groupes tels que Faso Kombat ou dans ceux de musiciens comme Sams'ka le Jah et Smokey qui ont fondé le « Balais citoyen », un mouvement issu de la société civile qui a notamment pris part à l'opposition au président Blaise Compaoré. Je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour respecter la vision de Sankara et pour emprunter le chemin qu'il a tracé. J'ai hérité de son idéologie et je reste persuadé que si l'on réalisait aujourd'hui ne serait-ce que la moitié de ce qu'il avait tenté de mettre en place, on pourrait favoriser le développement de notre pays.

 Témoignages et photos (© Copyright Arnaud Rodamel, tous droits réservés)